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Conair an Bhaird - The Bard's Path
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7 mai 2011

La musique comme offrande

Je ne crois pas me tromper en affirmant que, sur les chemins du paganisme, nous sommes nombreux à laisser des offrandes, soit pour obtenir quelque chose en retour (comme une sorte de juste paiement cosmique), soit pour dédommager quelque chose d'une perte qu'on lui fait subir (par exemple lorsque l'on cueille une plante), soit simplement en remerciement, en action de grâce, sans rien demander en échange, juste pour remercier une entité (ou simplement la Vie) de sa générosité et de son soutien.

J'ai toujours pratiqué l'offrande, voire le sacrifice (non, je n'ai jamais égorgé un chat noir à la pleine lune dans un carrefour où furent pendus des voleurs de grands chemins ...) depuis que je pratique, et même avant, sans forcément y penser.

Je laisse du lait en libation aux Arbres Fées et aux représentants du Petit Peuple que je soupçonne de lutiner dans certains endroits stratégiques (au pied des Aubépines et des Hêtres en particulier). Je répands des graines sur la terre pour la remercier lors de mes récoltes (et j'ai presque toujours dans cette intention un petit sachet dans mon sac, rempli d'un mélange de graines que je réserve exclusivement à cela : blé, maïs, lentilles, pois cassés ...). Lorsque je n'ai (plus) rien sous la main à offrir, je laisse quelques uns de mes cheveux.

Offrir des cheveux semble souvent étrange, un peu égocentrique. Mais en réalité, je considère davantage cette offrande comme un sacrifice. Vous vous êtes déjà arraché une petite mèche de cheveux ? Si oui, vous devez savoir que c'est un peu désagréable (et si vous n'êtes pas païen, vous êtes peut-être masochiste, mais là, je ne peux plus rien pour vous !), et c'est laisser à la terre un morceau de soi. Je l'ai toujours vu ainsi : la plante me donne de ses feuilles, je lui donne des miennes. Appelons ça un talion végétal. J'ai souvent (enfin, dans la mesure du raisonnable, je n'ai pas énormément de cheveux non plus ...) recours à ce sacrifice capillaire pour les offrandes particulièrement sacrée à mes yeux. Ainsi, récemment, lorsque j'ai ramassé une branche fourchue de Hêtre dans le Val sans Retour, j'ai préféré laisser une petite mèche de mes cheveux emmêlés dans les racines de l'Arbre Mère plutôt que de lui faire une banale libation de lait.

Même chose pour le sang : il m'arrive souvent d'en donner en remerciement, en sacrifice, ici également (je crois que je reviendrai sur la notion de sacrifice dans un prochain article). En ce moment, malheureusement, je dois absolument éviter de saigner, j'ai donc suspendu temporairement cette pratique. Mais c'est quelque chose qui ne me gêne absolument pas et que je fais instinctivement depuis mes débuts dans la magie et le paganisme.

Et la musique dans tout ce blabla, alors ? J'y viens, j'y viens.

DSC_0240

Je joue souvent de la musique lorsque je pratique. Déjà, l'ouverture et la fermeture du Cercle se font chez moi au son de la cloche (au son d'une de mes cloches en fait, puisque j'en ai trois qui ont chacune une voix différente que je choisis en fonction de mon intention), et il m'arrive très fréquemment de faire monter l'énergie d'une psalmodie à l'aide d'un instrument de percussion (djembé ou tambourin, avec ou sans cymbales, ici aussi en fonction de mon intention). Mais, jusqu'à assez récemment, jusqu'à Imbolc dernier en fait, je n'avais jamais envisagé d'offrir de la musique en guise d'offrande.

La faute à mon complexe de nullité maladif (alias le Syndrome du Jambon) qui me persuade que je suis perpétuellement d'une incompétence trop grande pour pouvoir décemment faire don de la musique que je joue. Je me tétanise comme une gourde dès qu'il faut jouer devant quelqu'un, en particulier devant mon père, musicien professionnel qui porte souvent un regard critique très juste mais un peu abrupt sur tout ce qui touche à la musique.

Tiens, hier encore, en flânant dans un magasin de musique, je suis tombée sur une guitare qui me plaisait beaucoup, et que j'ai voulu essayer. Mon père était là. J'ai pris la belle dans mes mains, l'ai placée sur mon genou fléchi, en appréciant sa forme et ses courbes, j'ai placé mes doigts sur les cordes, et là ... Et là jambonnage total, je n'ai fait que plaquer bêtement quelques accords basiques, sans oser jouer le moindre morceau parmi ceux que je maîtrise pourtant assez bien. Jambon irréversible. Evidemment, mon père se demande avec raison pourquoi diable j'essaie une guitare si c'est pour ne pas jouer avec.

Heureusement, prendre des cours dans une école qui pratique abondamment le jeu en groupe m'aide beaucoup. Je prends même un plaisir immense à jouer avec les autres, en harmonie avec leur jeu. Mais qu'on me demande de jouer toute seule devant le groupe pour vérifier mon jeu, et je fais immanquablement des fautes stupides (ou alors j'échappe mon médiator comme une gourde. Les dieux soient loués, il n'est pas tombé dans la rosace de ma guitare, sinon j'aurais passé une plombe à le récupérer).

Mais revenons-en à nos moutons d'Imbolc.

Je venais tout juste d'acheter ma première guitare à ce moment-là (puisque j'ai eu Josiane le 21 janvier et qu'Imbolc se tient le 1er février, mais vous vous en fichez et vous avez sans doute raison) et je me sentais tellement bien avec elle, j'étais tellement heureuse de l'avoir que je tenais à tout prix à l'intégrer à ma célébration. Pour l'occasion, j'avais déchiffré et appris, toute seule, We All Come From The Goddess que je voulais jouer ce jour-là.

En répétant le morceau (qui, dans mon projet original, devait simplement signaler l'ouverture du sabbat), je me suis mise à réfléchir (oui oui, ça m'arrive) à la place que je pouvais finalement lui donner. Et j'en ai tiré les conclusions suivantes (à la ligne, un tiret) :

* La musique demande du travail. J'ai bossé pendant des heures pour jouer ce morceau correctement (je rappelle qu'à l'époque je ne savais pas du tout jouer de la guitare : il a fallu trouver les notes sur les cordes, puisque je ne disposais que d'une partition standard, et pas d'une tablature, assouplir ma main gauche pour qu'elle mémorise les endroits où elle devait fretter les cordes, positionner mes doigts correctement pour faire sortir le son au mieux, gratter les bonnes cordes de la main droite, et prendre garde à ne pas toucher les autres, jouer sur le bon rythme, etc etc). En tant que travail, il me semble qu'elle mérite tout à fait d'être offerte.

* La musique est un art, un processus de création. Bon, évidemment, je n'ai pas la prétention d'entrer dans le domaine de l'art avec les quelques morceaux que je joue maladroitement, mais quoi qu'il en soit, même à mon (très) faible niveau, il n'empêche que cela reste du domaine artistico-créatif : on donne de soi pour créer quelque chose à partir d'un outil. Ici, en échange d'un ensemble de gestes, on fait naître un ensemble de sons qui forment une harmonie, une mélodie. On crée quelque chose. Cela a beau être immatériel, ça n'en reste pas moins réel.

* La musique est unique et personnelle. Deux musiciens jouant le même morceaux ne produiront jamais exactement la même musique. Chacun bouge à sa façon, appréhende la rythmique à sa façon, fait passer des émotions différentes, tient son instrument à sa manière propre, qui n'est pas forcément celle d'un autre. On peut souvent reconnaître un musicien sans le voir, simplement en l'écoutant jouer ( à condition d'avoir un tout petit peu d'oreille, évidemment), car son jeu lui est propre, tout comme son écriture, sa voix, son visage, ses empreintes digitales, son ADN. Chaque musicien donne un morceau de lui-même à sa musique. Chaque musicien marque de sa griffe le son qu'il produit avec son instrument.

Si l'on prend ses aspects en considération, alors pourquoi la musique ne pourrait-elle pas être une offrande aussi valablable qu'une autre ? Puisqu'elle demande de l'investissement personnel, un processus créatif, et se pose comme un reflet fidèle et unique de son producteur, en quoi diffère-t-elle d'une offrande de sang, de cheveux ou de salive ?

De plus, dans l'immense majorité des civilisations, de l'aube des temps jusqu'à nos jours, la musique a toujours été considérée comme sacrée. Il n'y a qu'à regarder la liste des Dieux qui lui sont associés, tous panthéons confondus, pour s'en apercevoir ! Apollon, Hermès (l'inventeur de la lyre), Athéna (qui a inventé la flûte), Pan (et sa fameuse flûte de Pan, ou Syrinx, du nom de la nymphe qui en inspira la création), Bacchus (dont le culte se faisait toujours en musique), Orphée (qui fit de la musique une arme pour dompter ses adversaires), Euterpe (la Muse de la musique), Hathor, Isis (dont l'un des emplèmes est un sistre), Bastet (musicienne à ses heures), Ihy (Dieu égyptien de la musique assez méconnu), Bès (qui porte souvent une grande variété d'instruments), Meret (Déesse égyptienne de la musique instrumentale, du chant et de la danse), Kokopelli (Dieu améridien de la musique et de la fertilité), la Dagda (et sa fameuse harpe), Lugh (musicien accompli) ... Je continue ?

La musique peut dons sans aucun doute être considérée comme une offrande à part entière, et pas simplement comme un acte de dévotion. Elle est un sacrifice, puisqu'elle représente un don de soi auquel on donne une valeur sacrée.

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Commentaires
L
Quoique je suis bien tentée par la montre à balancier, aussi ... Histoire de stresser tout le monde avec un bon gros tictac pendant les partiels ^^
S
Et moi un fusil à kangourous, ça me sera fort utile dans mes contrées civilisées ... pour les joggeurs au hasard =D
L
C'est génial, je suis fan ^^ Je crois que je vais m'acheter les chaussons pelle et balayette XD
S
Ah le Catalogue des objets introuvables, ça vaut vraiment le coup ! J'aime beaucoup le vélo pour escalier aussi... et surtout la chaise de marche :<br /> <br /> http://madmegblog.blogspot.com/2008/09/objets-introuvables.html
L
Excellent !! XD
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