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Conair an Bhaird - The Bard's Path
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31 mai 2011

Le Sang

Hier, j'ai évoqué rapidement la symbolique du sang dans ma pratique personnelle, dans mes principes sauvages. Je vais donc y revenir plus en profondeur, puisque c'est sans doute quelque chose qui me caractérise vraiment et qui peut souvent sembler étrange aux yeux de beaucoup, j'en ai bien conscience. C'est ça aussi, de ne jamais rien faire comme tout le monde ... !

Je vous copie pour cela un extrait de l'un de mes comptes-rendus pour l'Ecole du Lotus, au sujet d'un éventuel travail avec le sang menstruel :

" Je n’ai jamais eu aucun problème avec le sang, puisque je travaille souvent avec (et hop, une petite piqûre sur le doigt, et zou, un petit coup d’athamé sur la paume …) mais je n’ai jamais travaillé avec le sang menstruel. Non pas parce qu’il me dégoûte, ce qui n’est pas le cas (après tout ce n’est que du sang avec des restes morts d’endomètre, donc jamais que de la peau morte) mais plutôt pour sa symbolique. Dans ma tradition, dans ma vision des choses, je distingue deux sortes de sang : celui qui coule dans les veines, porteur de vie, de potentiel, qui pulse sous la peau, irrigue les organes, galope dans le corps en transportant les nutriments essentiels et l’oxygène, bref, le sang « vivant », et le sang destiné à expulser quelque chose, à purifier le corps en transportant des substances devenues inutiles, mortes ou toxiques vers l’extérieur, celui qui coule en dehors du corps pour en sortir ce qui n’y a plus sa place, bref, le sang « moribond ». Le sang des règles est, pour moi, un sang moribond. Il est indispensable dans la mesure où il aide à expulser les ovules morts (non fécondés, qui ne portent plus de potentiel vital), il coule vers l’extérieur pour faire place nette pour des ovules tous neufs prêts à recevoir la vie nouvelle. Mais je ne vois pas vraiment l’intérêt de travailler avec lui. Il est pour moi un sang de « nettoyage », un sang purificateur qui permet le renouvellement des cellules procréatrices, mais il ne porte pas (il ne porte plus) la vie en lui. Et pour l’instant, je n’ai ressenti le besoin que de travailler avec le sang « vivant ». "

J'ai bien conscience que cette conception des choses ne parlera pas beaucoup aux féministes et aux aficionadas du Féminin Sacré exclusif, dont certaines portent un culte certain au sang menstruel. Mais tant pis. Ce sang, pour moi, n'est pas fait pour le travail que j'entreprends. Ce sang moribond ne peut me donner ce que je recherche, et il ne peut constituer une offrande digne de ce nom. Alors que tirer du sang bouillonnant d'une veine palpitante, l'extraire avec douleur d'une blessure infligée rituellement, même aussi superficielle qu'une piqûre d'aiguille au bout du doigt, constitue pour moi un sacrifice à part entière. Le sang des menstruations coule quoi qu'il arrive. On ne peut pas l'arrêter, juste le recueillir pour le jeter. On ne choisit pas de le faire sortir de notre corps, il décide lui-même du moment où il s'écoulera. Il ne nous manquera pas, puisqu'il expulse les cellules mortes hors de notre corps. Comment peut-on alors l'offrir ? Alors que le sang galopant dans les veines est destiné à y rester. Le faire sortir pour l'offrir est donc, à mes yeux, un acte de volonté pure. Une offrande. Une vraie.

Le sang est le liquide de la vie. Les rivières, les fleuves, les torrents qu'il forme dans notre corps obéissent à davantage qu'à des besoins physiologiques. Il est le reflet de notre état au quotidien. La peur le fait galoper, la douleur le fait convulser, la joie le fait bondir, le désir le fait pulser. Il est notre sève, notre essence. Sa course rythme les battements de notre coeur et de notre corps tout entier. Certaines personnes sont rebutées par les gens dont les veines sont très apparentes. Moi, j'aime voir les rivières bleuâtres se deviner sous une peau diaphane, leur renflement affluer en pulsations discrètes sur le corps d'un autre. J'ai été un jour fascinée par le mouvement à peine esquissé de ces fleuves veineux sur les mains et les bras nus d'un bassiste que je regardais jouer. J'ai adoré admirer l'harmonie entre le rythme qu'il impulsait à son jeu de doigts et celui de la course de son sang. J'ai eu l'impression de pouvoir lire dans ces entrelacs sous-cutanés comme dans un livre intime qui aurait transpiré un peu de son essence intérieure. C'était à la fois hypnotique et étrangement dérangeant, comme un voyeurisme à peine voilé sous le poids d'un regard.

La plupart des Dieux avec lesquels je travaille sont des Dieux Sanglants, non pas à cause d'une soif de massacre sadique, mais plutôt par un lien vivant avec tout ce que le pouvoir du sang implique : Vie, sauvagerie, émotions fortes, colère, amour, désir, fièvre guerrière et courage. C'est pour cela que je suis fascinée par les Berserkr depuis toujours : un lien de sang entre homme et ours, qui donne à celui qui sait mêler son essence à celui de l'animal la fureur de ce dernier. Verser un soupçon de mon sang en cet honneur est à mes yeux une humble offrande pour rendre hommage à cette foisonnance vitale.

Bref, à mes yeux, et désolée si je dois choquer, mais offrir du sang menstruel, c'est choisir la facilité biologique du corps féminin, pas accomplir un Sacrifice de Sang.

Alors bien sûr, je ne dis pas qu'il faut se saigner comme un goret à la première occasion, loin de moi cette sombre idée, mais si l'on veut travailler avec le sang, autant avoir le courage d'aller le chercher à sa source. Oui, forcément, cela fera mal. Mais le sang a un prix. Et ce prix, c'est la souffrance. Faire le don d'une partie de soi n'est pas un acte anodin. Il ne devrait pas être réduit à recueillir un sang moribond qui suinte naturellement.

Un peu de courage, par le Cornu !

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Commentaires
L
Je suis ravie d'avoir pu faire naître une réflexion Aegiale ;)<br /> Merci à toi pour ton commentaire !
A
Merci pour ce billet qui m'a permis de me poser et de réfléchir un peu à mon propre travail avec le sang de mes règles et à voir le chemin qu'il me reste encore à parcourir :).
L
Moui, je vois également ce que tu veux dire. Cela dit, vu que je n'ai jamais travaillé avec Hel, et assez peu avec Morrigan, je n'ai pas ressenti le besoin de l'utiliser ;)<br /> <br /> Un jour peut-être ...
V
Tout dépend à qui l'offrir. ;) A une divinité de la mort comme Morrigan, ou mieux, une divinité de la dégénérescence et pourriture comme Hel, le sang menstruel est apprécié. ^^<br /> <br /> Mais je pense que tu vois où je veux en venir, ça dépend des cas tout simplement, et du but.
L
Purificateur et libérateur, oui, c'est bien ce que j'ai dit au sujet du sang menstruel ;)
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