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Conair an Bhaird - The Bard's Path
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24 novembre 2013

L'étrange Samhain de Mister Jack

Alors

Je n'ai pas posté ici depuis un moment ... Pas mal de choses m'ont éloignée d'internet, depuis les vacances d'octobre, et j'avoue avoir manqué de courage et d'envie pour venir en parler ici. J'avais besoin de mûrir tout ça, de l'accepter, de vivre avec un évènement, en particulier.

Mister Jack est décédé le 26 octobre.

Ceux et celles d'entre vous qui me suivent et me lisent depuis quelques temps déjà comprendront le vide immense que le départ de mon petit compagnon de vie a laissé derrière lui, et sauront que le fait que "ce n'était qu'un cochon d'Inde" n'a aucune importance. Vous savez depuis longtemps déjà que ce cochon d'Inde, c'était bien plus qu'une bestiole en cage comme disent certains, que ce machin plein de poils au cerveau un peu attaqué par la vie, c'était mon meilleur pote. Mon colloc de galère depuis six ans. Six ans, ce n'est pas grand chose, dans une vie. Et pourtant on a tellement partagé de choses, bonnes et mauvaises, pendant cette demi-douzaine d'années, qu'on pourrait probablement en écrire un roman. Mister Jack en a emporté avec lui sa part de souvenirs, et je garde les siens avec moi, dans un petit coin de mon coeur où ils seront préservés. 

Quand je l'ai adopté, il avait à peine 3 semaines, avait été mal sevré, souffrait du coryza et de la teigne, un oeil infecté par une conjonctivite à un point tellement critique qu'il a failli le perdre. Je l'ai soigné du mieux que j'ai pu, avec une véto formidable qui a bien voulu prendre des risques et tenter des interventions incertaines sur lui (quand certains ne soignent que les chiens et les chats et dédaignent tout le reste, arguant qu'on peut toujours aller en acheter un autre si le premier claque. Véridique). Il a subi courageusement 4 mois de traitements, avec des bains désinfectants (que je dédramatisais en en faisant des moments de jeu et de câlins), des médocs dégueu qu'il prenait en chouinant, des manipulations tellement chiantes qu'il en devenait blasé, et pour finir une opération sous anesthésie générale dont il est revenu en marchant de travers, la gorge suturée, en dormant pendant trois nuits le nez collé sur mes doigts, me foutant de la bave partout. Il s'en est sorti, ce dur à cuire, et, alors que je croyais qu'il me haïrait à tout jamais pour tout ce que je lui avais fait subir (j'avais l'impression parfois de ne lui faire que des misères, même si c'était pour son bien), il m'a montré que les cochons d'Inde étaient beaucoup plus malins que ce que l'on m'avait fait croire, et sa reconnaissance s'est changée en un vrai lien d'amour, un beau, un solide, un fort. 
Il pleurait quand je sortais de son champ de vision. Il faisait le beau pour téter mes orteils. Il ne voulait sortir de sa cage que pour venir sur mes genoux/sous mon pull. Il s'arrêtait systématiquement de manger et même de bouger quand je le confiais à quelqu'un (du coup il s'est incrusté dans toutes mes vacances, le fourbe) ou que je partais travailler. Il ne voulait toujours que moi. Et, bien entendu, il ne supportait pas, quand j'étais dans la même pièce que lui, que je fasse autre chose que m'occuper de son petit égo velu. Je me rappellerai longtemps de mes (vaines) tentatives de méditation quand je vivais avec lui dans ce 14 m2 et qu'à chaque fois que je m'asseyais en tailleur Monsieur allait secouer son biberon pour faire le plus de bruit possible (il savait qu'en secouant le grillage, je l'enlèverai, mais que je ne pourrais jamais lui ôter son biberon) (et on me dira que ce sont des animaux stupides).

Moi j'men fous j'ai plein de citrouiles !

Sauf quand je traçais un Cercle.
Quand je traçais un Cercle, même dans la même pièce que lui (ce qui est immanquablement arrivé pendant les 2 ans de vie commune dans le placard à balais sus-cité), c'est comme si je disparaissais dans une brume apaisante. A chaque fois, c'était le même manège, Monsieur tournait deux-trois fois dans sa cage, puis se couchait en boule et entamait un bon roupillon. Je pouvais faire du bruit et tous les mouvements que je voulais, c'est comme si je n'avais plus existé à ses yeux et ses oreilles.  Je m'étais même demandé un moment si cette drôle de perception du Cercle ne faisait pas de lui mon familier (mais comme il jetait les cartes de Tarot, j'avais quand même un doute). Et puis aucune source ne parlait jamais d'un cochon d'Inde familier. Mais pourquoi pas après tout. Il en aurait bien été capable, cette andouille.

Il se faisait vieux, depuis quelques temps, mais l'âge se voyait peu chez lui, puisqu'il avait toujours été très calme, discret et effacé. Il aimait se faire oublier, se fondre dans le décor (je crois qu'il avait vu Jurassic Parc et appliquait un peu trop la technique du "ils ne me verront pas si je ne bouge pas"). Moi qui rêvait de le laisser vaquer à sa guise dans la maison, qui voulait un cochon d'Inde pour justement ne pas le laisser dans une cage, j'avais compris depuis longtemps qu'avec lui, c'était peine perdue : quand on le sortait, il restait rigoureusement immobile, jusqu'à ce qu'il me repère et trotte sauter sur mes genoux pour ne plus en bouger. On aurait pu penser que du coup sa compagnie n'était pas très intéressante, mais c'était tout le contraire. Ce grand calme savait me réconforter et me rassurer comme personne, et la petite bouillotte chaude qui dormait sur mon ventre était la plus douce des présences. Il a été là, fidèle et affectueux, dans les moments les moins rigolos de mes premiers pas dans la vie d'adulte. Je n'ai jamais vraiment été seule, en fait, grâce à lui. Et pourtant il a partagé des moments où bon nombre de bipèdes m'avaient laissée tomber ! 

concours noël mister jack

Le soir du 26 octobre, en rentrant d'une après-midi shopping avec des amis, le barbichu et moi l'avons trouvé allongé dans sa cage. Il ne s'est pas levé pour nous montrer à quel point il était outré que sa gamelle soit vide à cette heure-ci. Il nous a juste regardé en soupirant. Quand je l'ai sorti de sa cage pour comprendre ce qu'il s'était passé, il s'est traîné difficilement sur le tapis pour aller poser sa tête sur mon pied. Sa petite tête si lourde ...
Le vétérinaire de garde (un monsieur en or) que nous sommes allés voir en urgence nous a expliqué qu'il avait fait un AVC, que c'était plutôt courant chez ces petites bêtes, à cet âge-là. Il m'a dit aussi que mon petit pote était certainement autiste, qu'il avait développé un hyper attachement envers moi pour remplacer le vide de sa maman, et que c'était la raison pour laquelle il était encore en vie : il avait poussé les derniers retranchements de son existence pour attendre que je revienne, comme il le faisait toujours, quand je m'en allait. Je l'ai pris dans mes bras, si petit, si frêle, il a hoqueté un peu, poussé un grand soupir, et il est parti. Tout doucement, discrètement, calmement. 
Nous l'avons enterré dans le jardin de ma maman (qui l'a bien connu, elle aussi) sous les premières gouttes de pluie de la nuit, dans un petit linceul blanc, avec un brin de romarin encore fleuri, pour le souvenir, une branche de sapin en mémoire du jour mémorable où il en avait volé une plus grosse que lui pendant la décoration de Yule pour essayer d'en manger, un peu de sa nourriture préférée pour l'Après, et une petite pièce de 2 centimes, parce qu'au fond, on a toujours été un duo, lui et moi. 

Je lui ai fait une place sur mon autel, également, avec une bougie blanche allumée pour le guider, une branche de romarin (toujours pour le souvenir), des fleurs de basilic et des feuilles de persil comme nourriture spirituelle (et puis il aimait tellement ça !), la figurine de cochon d'Inde et le moulage en argile que j'avais fait de ses papattes lors d'une journée de délire, Anubis et Bastet pour des raisons évidentes (je ne suis pourtant pas une fana des divinités égyptiennes, mais ces deux-là m'ont étrangement attirée en cette circonstance). Allumer sa bougie chaque matin, à l'heure où habituellement il secouait les barreaux de sa cage pour réclamer à manger comme s'il avait jeûné pendant quinze jours, me réconforte un peu, même si son absence est un gouffre. 

DSC_1052

 

Et puis, puisque son décès coïncidait avec Samhain (il avait été déclaré officiellement tiré d'affaire à Ostara, cinq ans plus tôt, je commence à me dire que son existence collait vraiment avec la Roue), nous lui avons rendu hommage en creusant une citrouille à son effigie, le 30 (idée du barbichu, qui m'a beaucoup soutenue alors qu'il était lui-même très peiné, Jack ayant pris une grande place dans sa vie aussi) :

DSC_1030

Ce n'est pas forcément une oeuvre d'art, mais nous avons eu l'impression qu'il était un peu avec nous, comme ça ... (pour info les deux autres citrouilles sont l'oeuvre du barbichu pour celle de gauche, et de moi pour celle de droite). Il sera toujours là, de toute façon.

J'ai mis longtemps à venir en parler ici, parce que je ne me sentais pas prête à mettre des mots sur sa mort, ni à la rendre "publique". Peut-être par déni, parce qu'en parler ici signifie que oui, ça y est cette fois, il est vraiment parti, peut-être par pudeur, parce que je ne me sentais pas de l'annoncer comme ça, peut-être parce que ça faisait encore trop mal, tout simplement ... Je ne sais pas. Je crois que j'avais besoin de vivre ma peine seule, ou uniquement avec les gens qui l'avaient vraiment connu, mon barbichu qui l'a patiemment apprivoisé quand il est venu vivre avec nous et qui s'en est occupé comme si c'était le sien (je lui en serai toujours reconnaissante d'ailleurs, de prendre naturellement tous les bouts de moi qui vont ensemble, y compris ceux qui ont plein de poils et qui bouffent des kilos de fenouil), ma mère qui a connu les moments de galère du début et les instants ridicules (l'intense contemplation de la gazinière qui a duré des heures quand on l'a lâché pour la première fois dans la cuisine), ma petite Charlotte, sa comparse péruvienne de deux ans plus jeune qui a bien tenté de le séduire quand elle est arrivée mais qui s'est heurtée à une multitude de râteaux successifs avant de laisser tomber (la première fois que je la lui ai présentée, Jack s'est dit qu'elle était très certainement comestible puisque je la lui tendais, et il lui a croqué le nez). 
Il était un peu débile, quand même.
Mais c'est aussi pour ça qu'on l'aimait si fort.
Adieu, mon vieux copain. Garde-moi une place à l'ombre de l'Autre-Côté.

fin prêt pour le défilé

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Commentaires
E
désolé Menestr'elle, je te présente mes sincères condoléances pour Mister Jack. En te lisant j'avais les larmes au yeux. En plus ça bouille était mignonne à craquer. Il a eu la meilleur des mamans et six années de pure bonheur avec toi. Il est au paradis des animaux et son esprit veille sur toi. C'est magnifique ce que tu as écris sur lui, alors que moi j'ai été détruit quand j'ai perdu mon chat Pollux et que j'ai du mal à en parler. Ma petite fée et moi on te fait une grosse bise et une énorme pensée pour Mister Jack.
L
J'ai été très émue par cet article, c'est beau de voir un lien aussi dort s'effectuer entre deux êtres, surtout dans ce monde où les animaux de compagnies (et surtout les cochons d'Inde) sont considérés comme des objets... Tu as réussi à me faire pleurer (bon j'adore les animaux aussi c'est surement lié) et j'espère vivre un jour une relation aussi fusionnelle (même si ça fait mal parfois...) RIP Mister Jack :)
A
Je sais pour te suivre depuis un moment, combien ton petit pote prenait de la place dans ta vie. Il la gardera toujours dans ton coeur. Je partage ta peine, j'ai connu la même chose avec un cochon d'inde, qui m'a aussi attendue pour expirer. Tu as rempli sa vie d'amour, et c'est cela qui a créer ce lien au delà de tout.... Plein de bisous.
M
Un article qui m'a fait pleurer, qui m'a fait rire, toute la palette des sentiments y est passée... Que dire, sinon que c'est un superbe hommage à Mister Jack, à la mesure de toute l'affection que vous vous portiez mutuellement.<br /> <br /> Et je plains ceux qui ne comprennent pas, qui pensent que les bêtes sont juste des bêtes, qui n'ont pas eu la chance de partager l'amitié sans faille et l'amour inconditionnel que les animaux savent donner<br /> <br /> Plein de bisous à toi et à ton barbichu
V
Ah putain merde... j'ai lâché un cri quand j'ai lu ça, surtout après le choc du titre et la photo. Ce cochon d'Inde était mythique... comme tu le dis, une vraie partie de toi. 6 ans déjà ? C'est con, mais pour moi c'est une "surprise", je ne l'imaginais pas partir, il faisait partie "du décor" (au sens valorisant hein). Jack... immortel Jack. <br /> <br /> <br /> <br /> Cet article est le plus bel hommage qu'il ait été donné je pense. Et riche aussi sur le plan des relations entre l'homme et l'animal. Je ne crois pas que tu m'aies jamais raconté son histoire avec autant de précisions. Je ne savais pas à quel point il avait été malade, cette histoire est terrible, comme tu as dû avoir l'impression del e faire souffrir pendant des mois... pour le soigner, et lui qui chouine.... Et l'après, l'après qui a été scellé par ça, parce que toi tu lui as sauvé la vie, et que tu l'as aimé et accueilli comme il était. Ce lien si fort, oui, j'y pensé avant d'arriver à la fin : aussi jeune, et tout ce que tu lui as donné, il t'a élu comme sa mère, l'indispensable mère. On ressent tout l'amour que tu avais pour lui, et toute l'affection qu'il a pu te donner, ce qui n'est jamais facile à sentir avec un animal. Et puis Samhain.... Et puis... <br /> <br /> <br /> <br /> Des bisous.
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